Proposition de distinction éthique et juridique entre
"Suicide délibéré" et "suicide impulsif".
Proposition concrète :
La définition de "directives anticipées concernant un suicide délibéré éventuel" .
( par Armand Stroh, )
( Attention, il ne s'agit ici que d'un point de vue personnel, dont la discussion est à l' heure actuelle ouverte au sein du C.A. d' Ultime Liberté, avec des points de vue différents )
Je propose cette distinction de façon à faire une claire différence entre deux types de suicides, dont le premier, le "suicide délibéré", sera considéré comme l' expression directe légitime du "droit-liberté de se suicider", sans qu'on puisse faire d' objection légitime concernant la liberté et le "discernement" de la personne qui le prévoit délibérément et le réalise ( avec assistance ou non ), et d'autre part des situations et évènements de "suicide impulsif", dont on pourrait légitimement supposer que la personne qui le réalise ou en fait la tentative, n'est pas suffisamment capable de "discernement" ou est sous l' emprise de forces extérieures à sa propre volonté délibérée ( forces "impulsives" ), qui peuvent la conduire à réaliser un acte irréversible qu' elle n' aurait pas réellement voulu ou qu'elle aurait pu elle-même regretter avec plus de "réflexion délibérée".
Nous considérons alors que seules ces situations de "suicide impulsif" peuvent faire l' objet des lois et des procédures de "prévention du suicide" actuelles.
Mais que dans le cas du "suicide délibéré", c'est la "délibération" elle-même qui constitue la meilleure "prévention", dans la mesure où elle permet à la personne de réfléchir clairement, explicitement et rationnellement aux motifs de son suicide éventuel, de faire un bilan éclairé des diverses "solutions possibles" à ses problèmes ou difficultés, et donc de n' envisager la réalisation du "suicide délibéré" qu'en claire connaissance de cause, consciente de l' irréversibilité de son choix volontaire s'il se réalise, et en prenant en charge l' entière responsabilité de son geste.
Pour pouvoir effectuer une telle distinction - effectuée en fin de compte par la personne elle-même - nous récusons a priori toute position idéologique qui refuserait a priori la légitimité de TOUT suicide. Une position qui rejette a priori la possibilité d'un "suicide délibéré" , au nom d'un principe religieux ou "anthropoloqique" ou philosophique quelconque ( "interdit du suicide" ) et voudrait qu'un tel principe s'impose à tous, est par avance irrecevable au nom de la liberté individuelle de conscience.
Nous ne pouvons tout simplement plus "faire société" avec des personnes qui refusent la liberté de conscience aux autres.
Nous nous basons fondamentalement sur un principe de "souveraineté de la personne sur elle-même", traduit notamment dans les statuts de l' association Ultime Liberté dans les objectifs suivants :
"
* la liberté de disposer de sa personne, de son corps, et de sa vie,
* la liberté de choisir le moment, le lieu et les modalités de sa mort reconnue par une loi incluant « le suicide assisté » ou l'euthanasie d'exception
lorsque l'intéressé se trouve dans un état où il ne peut plus communiquer et qu'il a écrit ses directives anticipées,
* la facilité d’accès aux produits létaux dans d'évidentes conditions de sécurité .
Nous reconnaissons donc parfaitement une progressivité possible dans la capacité d'une personne à exercer une telle "souveraineté" sur elle-même, en particulier pour les personnes mineures ou pour des personnes explicitement mises sous tutelle et dont les capacités de discernement sont réellement altérées, mais nous considérons que les personnes majeures et capables ne sont pas dans ce cas, et doivent être libres de définir les conditions dans lesquelles elles pourraient éventuellement exercer un jour leur "liberté de se suicider" ( supposée exister en France ) sous la forme d'un "suicide délibéré", tout en étant protégées, à leur demande, par la société contre des situations de "suicide impulsif" éventuel sous l' emprise de facteurs externes divers.
C'est précisément l'un des aspects du processus de "délibération" que d' essayer de définir, pour soi-même, quelles seraient les situations où on voudrait être ainsi "protégé contre sa propre impulsivité" et les situations où on considère que notre décision circonstancielle du moment ( ici et maintenant ) est en cohérence satisfaisante avec notre cohérence personnelle et le "sens de notre vie" à long terme.
La matérialisation d'une telle "délibération" pourrait donner lieu concrètement à un écrit ou un document daté et signé dont l' authenticité dans des conditions de "discernement" pourrait être éventuellement attestée par un acte notarié., sous forme de "Directives anticipées concernant un suicide délibéré éventuel".
De même, la personne concernée pourrait en parallèle désigner des "personnes de confiance" qu'elle chargerait en priorité d'interpréter ces directives et de dire quelle était la véritable intention, en toute lucidité, de la personne concernée, au cas où elle ne serait plus considérée par une partie de son entourage, des psychiatres ou n'importe quelle instance publique comme ayant "suffisamment de discernement", pour pouvoir effectivement décider "librement" de se suicider.
"Prévention du suicide" : Nous demandons donc une importante révision de toutes les législations et procédures en matière de "prévention du suicide" et du "risque suicidaire", qui à l' heure actuelle amalgament sous la même dénomination de "suicide", des situations pour nous très différentes, celles de "suicide délibéré" et celles de "suicide impulsif". Nous ne pouvons donc continuer à collaborer qu' avec les législations et les associations qui cherchent à "prévenir" le "suicide impulsif", et certainement pas celles qui prétendraient "prévenir" aussi le "suicide délibéré" ... en s'autorisant à "délibérer" à la place des personnes concernées elles-mêmes, voire à estimer à leur place que tout suicide serait "impulsif" ...
De même, nous ne pouvons plus admettre que le "suicide délibéré", expression de la liberté et de l' autonomie de la personne soit inscrit a priori dans un cadre "pathologique", comme un "trouble mental", comme l' était encore naguère ... l' homosexualité, ou une décision d' avorter ...
Une révision des catégories psychiatriques s'impose à ce sujet.
Évidemment, nous imaginons bien ici la même "levée de boucliers" de la part d'un certain nombre d'idéologues intégristes ..., voire d'un certains nombre de personnes ordinaires mais encore fortement marquées par les représentations culturelles traditionnelles sur tous ces sujets.
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Remarque sur le choix de l' expression "suicide délibéré" :
L' adjectif "délibéré" est repris des analyses de François GALICHET,
dans son récent ouvrage "Mourir délibérément ?" ( Presses Universitaires de Strasbourg 2014 ).
Je choisis cependant de conserver le mot "suicide" parce qu'il est couramment utilisé, à la fois lorsqu'on dit qu' au niveau juridique "le suicide est libre" en France et lorsqu' on parle au niveau sociologique des "statistiques du suicide" ou encore au niveau psychologique de "risque suicidaire".
C'est bien parce que nous voulons une révision explicite des attitudes et des lois par rapport à ces différents aspects, que j' ai choisi de conserver le mot "suicide", en lui ajoutant le qualificatif de "délibéré", plutôt qu'une expression euphémisante comme "auto-délivrance" ou "mort volontaire" qui peuvent prêter à d'autres interprétations plus confuses.